Dans les oreilles : Victor Solf

Her : les débuts 


Né à Düsseldorf, le jeune franco-allemand suit très vite sa mère en France d’abord à Paris puis à Rennes où il grandira et commencera le piano et intégrera une chorale. Au lycée, il fonde son propre groupe de rock The Popopopops avec celui qui deviendra son meilleur ami : Simon Carpentier. (j’ai d’ailleurs participé à un tremplin musical contre eux avec mon groupe de métal de l’époque, en 2008…) Avec ce dernier naît une réelle complicité qui les amène à composer ensemble dans leur chambre de jeunes adultes. Les prémisses du fameux duo Her se posent. En 2016, ils sortent leur premier EP qui rencontre un succès immédiat. Le groupe remporte sans problème le tremplin des Inouïs, les découvertes du Printemps de Bourges. Malheureusement, quelques mois plus tard, Simon Carpentier décède des suites d’un cancer, laissant Victor Solf solitaire. 


D’une vie à l’autre


La perte douloureuse de Simon n’a rien à voir avec le décès d’un simple ami, c’est une part de soi-même dont le jeune artiste se retrouve privé. La tournée n’est pas terminée, mais pour Victor Solf, une promesse s’est écrite. La promesse de mener Her jusqu’au bout. Et il y arrive. La suite, c’est celle d’un artiste qui tente de continuer malgré le deuil et la douleur, qui se cherche musicalement au cœur de multiples influences. Un projet est survenu avec Yann Tiersen, mais trop acoustique. Les essais se succèdent. Rien ne satisfait le musicien. Jusqu’au jour où Woodkid lui conseille d’arrêter de vouloir continuer dans le genre de Her et de développer sa propre singularité. C’est le début d’un renouveau et l’éclosion du titre Traffic Light.  


Still. There’s hope


Victor Solf débute alors l’écriture d’un nouvel album où s’entremêlent les genres et les émotions. Le titre central pour le Rennais est Traffic Light. C’est l’artiste dans tous ses contrastes que l’on retrouve : un piano aux influences de Max Richter, Eric Satie et Yann Tiersen, soutenu par de l’électro-pop, le tout accompagné d’harmonies de voix renouant avec la soul et le gospel. C’est ce mélange de piano, d’électro et de soul grâce aux harmonies vocales qui va marquer l’ADN de l’album entier. C’est ainsi avec élégance que ce style musical vient souligner un texte intime et personnel, dessinant en creux un album teinté d’espoir et de réflexions, empli d’humanité et d’altruisme comme l’était Simon aux yeux de l’artiste-compositeur. 


Pourquoi on aime ? 


Ce cocktail ultime d’électro-pop, de piano minimaliste et d’harmonie de voix confère à cet un album un cachet unique en son genre. On retrouvait déjà ces notes de soul et de Gospel au cœur de l’identité sonore de Her, mais elles sont cette fois intégrées dans un ensemble différent notamment marqué par le piano. C’est alors l’authenticité et la force des émotions qui frappent. Les touches mélancoliques que peut apporter le piano se heurtent à des harmonies de voix qui reflètent un musicien en plein émoi. Tout y est retranscrit, les doutes, l’espoir, l’amour mais surtout une énergie particulière qui inonde l’album et dont on sent qu’elle a été motrice du processus artistique, permettant à l’artiste de se laisser conduire par son instinct.



Un mot sur la production 


L’album Still. There’s hope est pour moi une véritable réussite sonore. En tant que réalisateur artistique et auditeur c’est un vrai régal ! Tous les éléments qui composent ce disque sont à leur place grâce à des arrangements très fins et bien pensés. Ce que je retiens surtout c’est la couleur analogique des enregistrements où l’on entend le grain des instruments dans les moindres détails. On ressent une réelle intimité / proximité surtout sur les batteries et les pianos droits (Guillaume Ferran) qui amènent une certaine mélancolie (qui me parle beaucoup). Les batteries (Mathieu Gramoli) sonnent vintage car elles ont sans doute été enregistrées avec de vieux micros typiques des années 60, 70.

La dualité rétro (dans la prise de son) et moderne dans le mix s’avère être très inspirante puisqu’il est possible aujourd’hui de s’influencer de musique passée pour créer un univers sonore actuel et presque pop. 

Ce disque sonne chaud et vivant à mes oreilles, on sent que la volonté de Victor n’était pas d’aller vers une surproduction mais plutôt de tendre vers des sonorités brutes et généreuses (on pense surtout au synthé basse MS20 ou Moog sur Utopia). Les prises de voix sont également très intéressantes et semblent s’inscrire dans une démarche de mise à nue (sur Traffic Lights notamment).



Une équipe de choc


Pour ce projet, Victor Solf s’est entouré de la crème de la crème : Guillaume Ferran au piano, David Spinelli aux machines et aux claviers, Mathieu Gramoli à la batterie et Sylvain de Barbeyrac qui a apporté son expertise pour la prise et le mixage. L’album ne saurait être également sans s’accompagner d’une identité graphique et visuelle forte répondant à une direction artistique minutieuse. L’image a été confiée en grande partie à Liswaya (entre autres déjà intervenu dans la réalisation du clip de Five Minute). Quant au style vestimentaire, il s’agit d’un ensemble en jean sur lequel l’artiste peintre Julien Bernard est venu peindre des visages, des paroles issues de l’album. Autant d’hommes de l’ombre pour faire briller un artiste splendide. Bravo à toute l’équipe qui a participé de près ou de loin à ce beau projet.

 

Écrit le 17/06/2022 par Hélène Gauchon et Nathan Cocherie.

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