Dans les oreilles : Nils Frahm

De l’apprentissage du piano à la re-création du piano

Nils Frahm est un musicien, compositeur et producteur allemand né à Berlin. Il commence à apprendre le piano dès l’enfance. Il commence par les compositeurs classiques puis se tourne vers des auteurs plus contemporains. En 2009, il fait connaître ses premières compositions qui reçoivent un accueil favorable. Mais c’est en 2011 qu’il gagne en popularité avec la sortie de l’album Felt produit par le label Erased Tapes. En 2013, l’auteur sort un nouvel album constitué d’enregistrements live lors de concerts. L’année d’après, le musicien se lance dans un projet ambitieux et demande la création d’un nouveau piano. Ce piano sera appelé Una Corda, pesant pas moins de cent kilogrammes et possédant des marteaux qui ne frappent qu’une corde au lieu de trois pour chaque note. 

Entre classique et électronique

Pour approcher l’œuvre musicale de Nils Frahm, c’est à la frontière entre électronique et classique que l’on doit se rendre. Ce mélange innovant et atypique prend forme dans une musique intimiste et envoûtante, menant à une rêverie douce et sans fin. L’univers musical ici créé est dessiné à partir de textures et d’électronica atmosphérique auxquelles se joint un piano délicat sans pour autant perdre en puissance. Cette puissance de jeu ne saurait être sans les grandes qualités reconnues dans le monde entier de performeur live dont jouit Nils Frahm. Ses concerts ont su à travers le monde conquérir un large public. 

All Melody

Le pianiste expérimental qu’est Nils Frahm ne pourrait être évoqué sans sa grande ambition et notamment pour son album All Melody paru en 2017. Cet album fut enregistré dans le studio rêvé pour le pianiste. Imaginez un studio sur les bords de la Spree et rajoutez-y des câbles, des tuyaux, un piano, le tout avec deux ans de préparation et vous obtiendrez le studio parfait pour un compositeur néo-classique. Dans cet album, Nils Frahm s’est essayé à toutes les expérimentations possibles. Le résultat est un tout contemplatif aux compositions minimales, moins axé sur le piano que les albums précédents. Au piano et sons électroniques viennent se joindre en douceur quelques cordes discrètes et des chœurs desquels se dégagent une chaleur mystique. 

L’émotion est au rendez-vous entre une courte introduction « The Whole Universe Wants To Be Touched » pleines de nuances. Puis, l’on se retrouve embarqué avec les trois morceaux « All Melody », « #2 » et « Momnetum » qui viennent vous prendre au corps. Une certaine légèreté s’empare de vous avec le titre « Fundamental Values » qui intègrent ici des cuivres. Le voyage s’achève sur un goût de nostalgie et touchant avec le morceau « Harm Hymn ». Plongé dans au cœur d’une expérience immersive vibrante, d’aucun ne saurait regretter de s’être laissé happer dans l’univers du musicien riche et toujours plein d’innovations. 

Trance Frendz

Il y a quelques semaines, on vous parlait du magique Ólafur Arnalds. Les deux musiciens ne sont pas indifférents à la vue de l’autre. Loin de là. De leur rencontre est d’ailleurs née un album génial : Trance Frendz. On peut en effet dire qu’ils sont de très bons amis, ou plutôt « Frendz ». Ensemble, ils ont enregistré une soirée d'improvisation dans un studio Berlinois de Nils. Il s’agissait au début d’une session vidéo pour promouvoir un autre album. Mais au lieu de s’arrêter comme prévu, ils ont continué. Ce qui ne devait être qu’une vidéo courte de promotion, s’est finalement transformé en un film studio de 45 minutes intitulés « Trance Frendz ». Chaque titre porte le nom de l’heure à laquelle le duo en a joué les premières notes. Une intimité forte se dégage de ces titres, se mêlant à une humeur détendue et une authenticité convaincante. La danse est menée dans un premier temps par des mélodies de piano puis alors que la nuit avance, se joignent des lignes de basse d’orgue et quelques synthés parfaitement soignés. Le set s’achève sur des mélodies de piano douces, seules au milieu de la nuit. 

Spaces

Paru en 2013, Spaces se veut être une ode à la joie et aux performances live légendaires du musicien. Cet album n’est pas simplement un produit fini provenant d’un quelconque studio, là n’est pas le but. Le génie de cet album réside en cette particularité singulière qui n’est autre que recréer au travers de ses titres l’atmosphère unique de ses concerts. La production de l’album s’est étalée sur deux longues années passées à enregistrer le musicien dans différents lieux mais également par le moyen de multiples supports, notamment de vieux enregistreurs portables à bobines ou encore des platines à cassettes. Spaces réussit le coup de maître de s’ériger non pas comme un simple album mais bien comme une expérience vous transportant dans un public avec face à vous, l’un des compositeurs néo-classiques les innovants de sa génération.


De la musique à travers les mots, un titre de Spaces que l’on aime particulièrement, Says : 


Fermez les yeux. Un bruit de fond se fait entendre. Ça nous intrigue. Puis des notes impatientes résonnent. De plus en plus fort. D’autres nuances viennent soutenir ce rythme incessant qui nous entraîne d’ores et déjà dans un autre monde. Puis, vient nous surprendre une première note de piano. Timide, se noyant dans le reste de l’univers, le piano se détache peu à peu et vient capter notre attention par le biais de notes éparses. C’est une émotion étrange qui se crée. Une certaine tension par le fond sonore au rythme rapide mais celle-ci est atténuée par cette note de piano fuyantes et nostalgiques. Puis l’acmé se fait sentir, proche. La tension prend le pas sur la quiétude du piano. C’est la fin d’une apnée. Le tout prend une tournure plus légère, plus aiguë, comme une récompense après la fin d’une longue route où vous attend le spectacle de la vue. La fin est brusque. On en redemande. 

Un mot sur la production

Nils Frahm est un pianiste fascinant qui est aujourd’hui reconnu pour casser les codes du piano classique. Son approche de la prise de son et de la production de ses pianos est totalement novatrice puisqu’elle consiste à utiliser tous les éléments qui composent l’instrument à savoir les touches, les cordes, la pédale de sustain et le coffre. En enregistrant avec détail les différentes parties du piano, il obtient un son riche, profond et intimiste reconnaissable dès les premières notes.
Minimalisme. Ses choix sonores ainsi que ses arrangements sont très étudiés, il n’y a pas de superflu. Ce que l’on ressent les oeuvres de Nils Frahm c’est la relation intense entre l’homme et l’instrument. On l’entend parfois murmurer pendant la prise, il prend son temps pour que chaque note puisse avoir un sens à l’intérieur du morceau. Nils est un homme amoureux des synthétiseurs et des claviers. On notera particulièrement son Roland Juno dont il utilise à merveille l'arpégiateur (séquence de notes qui se répète soit dans un ordre particulier ou aléatoirement) sur Says, l’un de ses morceaux phare. Côté effet, l’écho se retrouve un peu partout, apportant une sensation d’espace caractéristique du pianiste allemand (dans Melody notamment). 

Un artiste prolifique et généreux à écouter :)

 

Écrit par Hélène Gauchon le 18/07/2022.

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